Aller au contenu

 

Accommodements raisonnables

Pourquoi le malaise persiste-t-il?

Terre d'immigration, terre d'accueil?

L'immigration est, sans contredit, mêlée au débat. Et à l'image, peut-être, de la société québécoise, nos quatre débatteurs y plongent sans grande hésitation. Responsable des stages à la maîtrise en médiation interculturelle de l'UdeS, Jamal-Eddine Tadlaoui est d'avis qu'on ne se soucie pas assez des conditions de vie réelles des immigrants; qu'on ne se soucie pas assez des êtres humains en chair et en os qui se cachent derrière les images stéréotypées produites par certains médias. « Quel est le véritable voile aujourd'hui?, demande-t-il. Ce n'est pas la burqa. On se voile la face sur la réalité des personnes qu'on accepte ici, à qui on n'offre pas les conditions favorables à l'intégration à l'emploi et à un franc maintien sur le marché. »

Les chiffres sur le chômage des immigrants ont en effet de quoi faire réfléchir. Le Québec réussit beaucoup moins bien que les autres provinces canadiennes à intégrer les nouveaux arrivants sur le marché du travail. Chez les immigrants récents (cinq à dix ans de présence au pays), le taux de chômage y est deux fois plus élevé que dans le reste du Canada. Il est aussi le double de celui observé chez les Québécois nés ici.

Or on ne cesse de dire que l'immigration est vitale pour contrer le déclin démographique du Québec. Et les immigrants continuent d'affluer : Statistique Canada prévoit qu'en 2031, près du tiers de la population montréalaise sera née à l'étranger, contre un cinquième en 2006. Cette même année, 20 % des Canadiens étaient nés à l'étranger, et cette proportion pourrait bien atteindre 28 % dans 20 ans.

« Les gens qui viennent de l'extérieur ne demandent qu'à s'intégrer et à participer au développement socioéconomique de la société québécoise », fait valoir Jamal-Eddine Tadlaoui. Mais il faut pour cela leur donner des balises claires, tout en reconnaissant leur identité, sans chercher à la nier. Tout cela en ne niant pas notre propre identité historique : un vrai défi d'équilibriste!

Marie-Michelle Poisson croit que la religion ne devrait pas être un frein à l'intégration. « Contrairement à l'image véhiculée par les médias, les immigrants qui arrivent ne sont pas tous de fervents religieux. » La proportion d'immigrants récents ne se réclamant d'aucune religion (16 %) est effectivement plus élevée que chez les Québécois d'origine (5 %). En revanche, d'après des données analysées par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, les immigrants ont un attachement plus important à leur religion que les personnes nées ici, quelle que soit leur affiliation religieuse. Et cet attachement est globalement plus important chez les non-chrétiens.

La pratique religieuse peut faire intervenir des éléments identitaires chez des gens qui se trouvent parfois à des milliers de kilomètres de leur patrie d'origine, ce qui n'implique pas nécessairement un rejet des normes juridiques canadiennes et québécoises.

Mais la question demeure : jusqu'où les immigrants doivent-ils s'adapter – s'assimiler – à la culture majoritaire? Jusqu'où la société d'accueil doit-elle accepter que des individus conservent une partie de leur patrimoine religieux et culturel?